Sébastien Brant (1458/1521) auteur de la "Nef des Fous " (Bâle 1494) fut un des précurseurs de l'humanisme alsacien et professeur de littérature latine et de Droit à l'université de Bâle.
Il fut aussi un habile politicien et c'est en cette qualité qu'il rédigea ses "feuilles volantes" (Flugschrifft) relatives à la "Pierre du Tonnerre" (la chute d'une météorite de 127 kgs le 7 novembre 1492 dans un champ à Ensisheim 68)
De tous les documents de l'époque, le plus beau est incontestablement la Chronique de Lucerne de Diebold Schilling de 1513. Ce splendide manuscrit enluminé consacre une miniature à la pierre d'Ensisheim qu'on voit tomber dans un champ ou travaille un paysan
En 1492 fut également découvert l'Amérique par Christophe Colomb amiral sur la Santa Maria
Photos La Vie en Alsace :
- Sébastien Brant
- en-tête de la feuille volante de Brant
- détail de l'en-tête de la feuille volante de Brant
- une feuille volante de Brant
- La chute de la météorite en 1492 de D. Schilling, Die Luzerner Schweitzerchronik 1513
Il y écrit en latin et en allemand que ce phénomène ne peut être qu'un signe divin et que pour Maximilien, le temps est venu de marcher contre les ennemis, les français.
Il s'agit de Maximilien d'Autriche (1459/1519) qui épousa en 1477 Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire. 15 ans plus tard, il conclut un contrat de mariage avec la Duchesse Anne de Bretagne.
Le 26 novembre 1492 Maximilien et ses troupes marchant contre les français s'arrêtent à Ensisheim 68. Il est impressionné par l'aérolithe tombé devant les portes de la ville alors siège du gouvernement de ses provinces d'Autriche antérieure.
Le bruit de la chute de la pierre fut si fort qu'on l'entendit jusqu'à Lucerne et Villingen. Elle était enfouie à 1 mètre de profondeur dans le sol d'un champ.
Sa Majesté Maximilien la fit porter au château. Il en détacha 2 fragments l'un pour lui-même, l'autre pour l'Archiduc Sigismond d'Autriche, puis elle fut fixée dans le coeur de l'église d'Ensisheim sur ordre de Maximilien.
La météorite y reposa jusqu'à la Révolution Française.
Photo La Vie en Alsace :
- Ensisheim, capitale de l'Autriche antérieure
Puis, comme beaucoup de biens appartenant à l'église, elle fut mise sous séquestre. On la décrocha des grilles de fer pour la transporter à Colmar où elle subit quelques outrages avant de reposer 10 ans au musée, près du célèbre retable d'Issenheim 68 (Grünewald) confisqué lui aussi.
En 1804, la météorite fut restituée à la ville d'Ensisheim. Elle ne pesait plus que 55 kgs, le muséum de Paris ayant également prélevé 1 bout de 10 kgs
Le clocher de l'église s'effondrant en 1854, on la stocka à l'école, puis à la mairie et en conclusion au musée du Palais de la Régence, sous verre.
( Une info du XXème s. : Charles Duke, pilote d'Appollo 16 fut autorisé à la toucher et la soulever.)
Revenons à l'époque.....
Goethe lui fit également honneur dans "Dichtung and Warheit"
"A Ensisheim, nous avons vu l'énorme aérolithe accroché dans l'église. Conformément à la manie de l'époque de douter de tout, nous nous invoquions de la crédulité des gens sans pressentir que de semblables objets, nés de l'air, à défait de tomber dans notre propre champ, du moins se trouveraient conservés dans nos cabinets"
Merklen en 1840 analysa la météorite :
"Cette aérolithe parsemé de grains blancs et luisants a une telle dureté qu'il en jaillit des étincelles en le frappant avec de l'acier. Pas même le vitriol n'agit sur lui"
Les savants actuels l'ont classé LL6, une chondrite à olivine et hypersthène.
(je vous fait grâce du restant de sa composition. Les curieux avertis trouveront certainement les infos )
Photo La Vie en Alsace :
- Illustration de la chute de la météorite dans la Basler Chronik de C. Wurstisen. Bâle. 1580
(Merci à Damien Z. pour les documents relatifs à l'élaboration de cet article)
Pour les lecteurs qui désirent en savoir plus : sur ce blog vous trouverez des articles sur :
- Ensisheim, capitale de l'Autriche antérieure
- la dynastie des Habsbourg qui traitait les affaires à Ensisheim
- les musées d'Ensisheim, dont le musée qui abrite la météorite
- la visite de la ville d'Ensisheim et de ses autres trésors
- Le retable de Grünewald peint à Issenheim au couvent des Antonins
Bonne lecture et bon divertissement !
Pour ceux qui ont suivi avec attention ce pan d'histoire, ci-après le texte de la feuille volante de Brant traduit par G. Foessel, archiviste de la Ville de Strasbourg
DE L'AEROLITHE TOMBE DEVANT ENSISHEIM EN 1492
Que celui qui s'émerveille a entendre des histoires étranges
se rappelle et lise aussi ce rapport
On a vu beaucoup de miracles
en l'air, des comètes et des flèches de feu
des torches brûlantes, des flammes et des couronnes
des cercles sauvages et des ronds autour de la lune
au ciel, des boucliers de sang et de feu
se meuvent dans le zodiaque
collision du ciel et de la terre
et bien d'autres choses étranges
deux montagnes s'entrechoquent horriblement
d'effroyables sonneries et des bruits d'armes
fer, lait, pluie, des grains d'acier
tuiles, chair, laine, de la colère céleste
et bien d'autres miracles semblables
Ensuite sous Frédéric II
une effrayante pierre est tombée
sa taille était grande, une croix dessus
et d'autres inscriptions au sens secret
Sous Frédéric III
né seigneur d'Autriche
est tombée dans ses propres terres
la pierre qui repose contre ce mur
alors qu'on compte 1400 années
Le jour de la Saint Florent
92 aux environs de midi
Il y eu un terrible coup de tonnerre
cette pierre lourde de 3 quintaux tomba
ici, dans le champ d'Ensisheim
le rocher calciné à trois coins
et il était formé de minerai et de terre
en l'air, il s'est aussi passé
des choses graves (quand) il tomba dans le gouffre de la terre
de petits morceaux ont volé partout
ils brûlent en se disséminant, ce qu'on voit du
Danube, Neckar, Aar, Ill et Rhin
Schwyz, Uri ont entendu le bruit
il tonne chez les Bourguignons
Les français le craignent beaucoup
et je vous dis avec raison, cela signifie
des calamités particulières pour ces même gens.